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dimanche 8 avril 2012


Tunisie : finalités d’un gouvernement théocratique


Depuis que le parti Ennahdha occupe le pouvoir provisoirement en Tunisie, la mise en place d’un système théocratique au gouvernement, dont les finalités tournent autour d’une autre islamisation du pays, prend de plus en plus de force. Une islamisation lente et progressive, inspirée, à contre courant, du concept, mais toujours sans les contenus, de la politique des étapes chère à Habib Bourguiba, celle-là même qui a permis la réforme de l’Esprit engagée par le fondateur de la Tunisie moderne, celle-là même qui, grâce aux Lumières dont Bourguiba s’était bien nourri, a placé l’Homme au centre des préoccupations du pays : l’éducation gratuite pour tous et toutes et la réforme du code du statut personnel de la femme.

Au vu des derniers événements, des grandes et violentes manifestations salafistes, que ce soit dans l’Université où récemment au Bardo, à l’Avenue Habib Bourguiba où des comédiens du théâtre de Tunis furent lapidés et violentés, la modération politique affichée par Ennahdha n’est qu’une façade.
On avait vu, dès le début, le travail sur le terrain des salafistes, autorisé et béni par Ghannouchi, lui-même salafiste, et ses acolytes, est une preuve que ces deux courants se tiennent sur une même perspective : le Djihad pour la cause de l’Islam. Leur politique perd tout son sens sans l’apport de l’Islam.

Dimanche 24 mars dernier, Les salafistes ont appelé à tuer les juifs, le ministre des affaires religieuses à assassiner Monsieur Béji Caied Essebsi à qui on a proposé de prendre en charge le pays après la révolution et qui prépara les élections du 23 octobre 2011. Il est parti du gouvernement pour laisser la place à ceux qui ont été élus. Il a récemment réuni dans un seul front une cinquantaine de partis démocrates autour d’un nouveau Parti  Destourien où Bourguiba symbolise l’unité populaire et l’inspirateur d’un combat pour les Lumières faisant ainsi front aux obscurantismes qui secouent le pays.

Le 7 avril dernier, des chômeurs diplômés, dans un élan de désespoir total face à ce qui se passe dans le gouvernement Ghannouchi, car c’est bien lui qui mène la danse, ont décidé de manifester pacifiquement[1]. La police et les gendarmes, envoyés par le Ministre de l’intérieur, lui aussi Nahdhaoui, ont violenté les manifestants par des coups et des gaz lacrymogènes. Une manifestation à l’occasion de la fête des martyrs, le 9 avril prochain, est prévue par tous les partis de l’opposition, dans toutes les Avenues Habib Bourguiba de toutes les villes de Tunisie, est annoncée ouvertement et le Ministre décide d’interdire toute manifestation ce jour-là et dans ces endroits précis portant le nom du combattant suprême, celui qui a lutté, malgré la souffrance et l’exil, malgré les tentatives de découragements et les menaces du colon, pour rendre la liberté à son pays. Il y est arrivé. Les avenues Habib Bourguiba prennent alors un symbolisme beaucoup plus profond : celui de la liberté, de la lutte contre les obscurantismes, pour le progrès infini de l’homme, pour une politique de l’homme et non contre lui.
Le 5 avril, deux jeunes tunisiens diplômés et au chômage, publient une BD caricaturale du prophète de l’Islam, ils sont écroués pour atteinte à la morale[2]. Où va-t-on ?
Au pouvoir, le nouveau premier Ministre issu d’Ennahdha, détient selon des sources sûres, une liste de 7000 nahdhaouis à mettre sur des postes politiques. Il est en train de nommer des gouverneurs du même parti dans plusieurs villes : à Zaghouan, le beau-frère de M. Dilou et à Nabeul récemment où même un agneau a été sacrifié, à l’entrée du gouvernorat. On prépare les alliés proches du parti pour les prochaines élections gouvernementales qui devraient avoir lieu aux environ du 24 octobre 2012. Les dates ne sont pas encore fixées et officialisées. On prépare peut-être aussi, comme l’ont signalés des partis démocrates tunisiens, un coup d’Etat constitutionnel. Une dictature avec tous les accessoires est progressivement mise en place. C’est cela la nouvelle démocratie dont aspirent les Tunisiens ? Permettez-moi d’en douter très fort.

On bouillonne de rage, le progrès infini et indéfini si cher à Habib Bourguiba prend encore et toujours une place de choix dans un pays comme la Tunisie.
Une véritable Politique de l’Homme est en germination dans un univers où les forces théocratiques tentent, dans des soubresauts désespérés, mais fermement et bien sérieusement, de développer leur projet hégémonique.  
« Les salafistes avaient plus peur de Ben Ali que de Dieu. C’est bien réel !! Si ce dernier revenait avec sa milice impitoyable, il les raserait tous d’un coup », disent certains sur Facebook. Ils ont malheureusement raison.

Le peuple a libéré le pays de cette dictature, permit à ceux qui furent opprimés d’arriver au pouvoir et à leurs amis salafistes de retourner au bercail après des années d’exil à l’étranger. Il a libéré d’autres des prisons. Ces religieux, sortis de l’oppression et de la torture, sont en train de faire subir, au peuple libérateur, leur violence, la même qu’ils ont subie, la barbarie, dont ils ont eux-mêmes été victimes et qu’ils ont acquise dans l’exil.
Les salafistes et autres religieux de leur trempe sont nourris de haine et de talion. Ils ne peuvent imaginer qu’en Tunisie on ne puisse être comme eux, qu’on refuse d’adhérer à leur plan, qu’il y ait des personnes athées en Tunisie, laïques, démocrates, assoiffées de tolérance et de liberté, ne demandant que le respect mutuel. La pensée tunisienne n’est pas une pensée islamiste, elle est douée d’intelligence car profondément complexe. Elle porte les empreintes de divers peuples et cultures qui ont traversé ses ports, qui s’y sont installés, qui se sont mélangés aux autochtones, qui ont donné non seulement de leur temps, mais aussi de leur sang, de leurs pensées, elles aussi complexes car nourries d’autres ports et pays qu’ils ont traversés avant d’arriver en Tunisie.

La Tunisie est une mosaïque de couleurs : si berbère, carthaginoise, si romaine, grecque et espagnole, si italienne, turque et française, si arabe, occidentale et orientale. Les Islamistes auront du pain sur la planche et ils le savent : ils sont incapables de changer des siècles d’héritage sculpté dans l’Esprit tunisien, inscrit sur son sol, gravé comme sur une pierre au plus profond de la mémoire de cette population toujours tunisienne. Il ne s’agit pas là d’un chauvinisme mesquin, c’est un universalisme qui inscrit la Tunisie parmi ces peuples intelligents qui ont toujours su être là, lorsque l’Histoire leur donna rendez-vous. Le passé du pays l’atteste en tout point de vue ! La capacité qu’a un Tunisien à s’intégrer là où il est, hormis dans un pays d’obscurantisme, est une preuve de son universalité. S’il devient obscurantiste, c’est parce qu’il a été trop longtemps en contact avec la barbarie, ce qui est d’ailleurs commun à l’humanité

Le danger d’un régime théocratique est celui du l’immobilisme, c'est-à-dire de la dictature sur le long terme. Concevoir un État immuable, sous un ornement démocratique, avec un parlement où les religieux, parce qu’ils ont plus de sièges que d’autres, font les lois, parce qu’ils se sont investis d’une cause religieuse, et les appliquent, les imposant au peuple dont elles n’émanent pourtant pas. Le modèle de l’AKP auquel se sont référés les chefs d’Ennahdha n’est désormais plus parfait et les dernières élections législatives ont permis d’équilibrer les forces politiques et pousser ainsi l’AKP à négocier au lieu d’imposer comme il le faisait avant. En Turquie, beaucoup d’intellectuels sont emprisonnés, des écrivains, journalistes, de libres penseurs qui tiennent tête au gouvernement islamiste toujours en place depuis douze ans. Comme tout gouvernement islamiste, comme tant de dictatures du Moyen-Orient et de l’Orient arabe, comme ces despotes de l’Afrique et du Maghreb, il s’arrangera toujours pour y rester le plus longtemps possible.
Au Mali, c’est Al-Qaeda qui mène le jeu, formée par Qaddafi, et on ignore le sort d’un peuple si pauvre, si miséreux..

La démocratie ne peut se construire dans l’Islamisme, il faut le dire haut et fort. Ces Islamistes tunisiens ont leurré le monde entier en prétendant la modération, une valeur dont ils ignorent le sens et la pratique. Ils se sont comparés à l’AKP turc alors qu’ils se révulsent dès qu’ils entendent le mot « laïcité ».
Passionnés et assoiffés de pouvoir, ils aspirent à mettre à genoux un pays libre et qui s’est donné les moyens les plus forts pour montrer au monde entier qu’il est capable de construire une démocratie sans contraintes religieuses.

Le rideau est tombé, la mascarade finie. La liberté est encore à trouver. La révolution est toujours en marche…






[1] Voir l’article suivant mais les liens sont difficile à coller à cause de la censure qui s’est mise en place sur l’Internet afin d’étouffer les mouvements de répressions qui se mettent en place depuis un moment

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