En 1966, à la Haye, Habib Bourguiba prononçait un discours intitulé "Pour une coopération fructueuse entre les Nations". Il précise une idée qui me semble très intéressante pour les Tunisiens, pour ceux parmi eux qui ont voté pour l'intégrisme religieux en politique, et démontre ainsi que la démocratie n'est pas quelque chose que l'on donne ou que l'on vend au peuple ou qu'un peuple vend à un parti politique qui le représente, encore moins que Ennahdha soit réellement représentatif du peuple tunisien dans son entièreté, mais qu'elle est une conscience. Et là il apparaît infiniment hégélien comme à son habitude, infiniment humaniste et surtout respectueux du peuple non pas comme une masse de personnes que l'on regarde de haut, mais comme une conscience aussi, une entité, une idée, une représentation magistrale de la volonté des hommes, celle qui change son univers et passe de l'état d'esclave à l'état de conscience libre car responsable, cette responsabilité qui émane du respect des lois par lesquelles les citoyens arrivent à se relier dans la différence, car c'est finalement de l'avenir de la Patrie qu'il s'agit et non des individualités ou d'un groupe qui se croit représentant du peuple alors qu'il ne l'est pas. Et même si c'est par le suffrage universel qu'il est là en train de gouverner, c'est la conscience du peuple qui lui donne sa légitimité et le droit de décider non pas pour lui, mais avec lui. Grande leçon de démocratie que je livre ici au lecteur afin qu'il se rende compte que si Habib Bourguiba avait eu du mal à faire comprendre aux Tunisiens de son époque les valeurs et les fondements de la démocratie, il a réussi, grâce à l'instruction massive des jeunes, à permettre cette conscience démocratique, elle est là chez les démocrates, les laïques, les socialistes, les communistes et même chez les islamistes les plus fondamentalistes qui en profitent pour asseoir leur autorité religieuse sur le peuple. Habib Bourguiba était bien respectueux de son peuple et de son pays. Ici il s'adresse au peuple hollandais en ces termes:
" Je voudrais préciser davantage mon propos et ne pas rester dans les généralités: votre double tradition du savoir a pour ainsi dire sculpté la Nation comme les vagues sculptent le rivage. Et le résultat de cet ouvrage du temps et des hommes s'appelle la démocratie. Car ce n'est pas dans les textes ou dans les lois qu'il faut aller chercher la recette de la démocratie. C'est dans le niveau de moralité, dans le sens de la cité. La démocratie vécue, c'est avant tout un rapport humain, un rapport qualitatif qui ne peut se résumer en une formule de droit constitutionnel. À partir du moment où la démocratie apparaît comme un établissement durable, comme le patrimoine national le moins discutable, les hiérarchies sociales cessent d'être des sujets possibles de conflit pour devenir des raisons d'efficacité, d'émulation, de succès. Cette conscience démocratique issue d'un lent processus d'auto-éducation représente une force bien plus grande que tout l'arsenal de la contrainte que pourrait réunir un État totalitaire."
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